dimanche 2 septembre 2012

7 anti-inflammatoires multiplient par quatre le risque d'infarctus, en autre.

Sept substances mises en cause

Le Courrier, Genève lecourrier.ch
Mercredi, 12 janvier 2011
ANALGÉSIQUES Les patients âgés sous anti-inflammatoires, comme le Voltaren, voient le risque de développer un infarctus ou un accident vasculaire cérébral multiplié par quatre.
Le plus connu a pour nom Voltaren. Et sa substance analgésique, le diclofénac, a déjà soulagé les douleurs de millions de patients en Suisse et dans le monde. Pourtant, avec cette molécule ainsi qu’avec six autres anti-inflammatoires, la plus grande prudence est de mise, si l’on en croit une étude de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne. Menées par l’équipe du professeur Peter Jüni, ces recherches concluent à la dangerosité de ces médicaments pour les personnes âgées en cas de prise régulière (lire interview ci-dessous). Comparés à un placebo (comprimés de farine), ces anti-inflammatoires multiplient par quatre le risque d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral (AVC).
Le professeur Peter Jüni et ses chercheurs se sont concentrés sur les anti-inflammatoires les plus courants: naproxène, ibuprofène, diclofénac ainsi que quatre nouvelles substances dérivées des «coxib», que l’on nomme dans le jargon «anti-inflammatoires non stéroïdiens» (AINS). Inhibiteurs d’une enzyme responsable des inflammations, ils sont censés agir de manière plus spécifique et causer moins d’effets indésirables que leurs «ancêtres». Ce que contredit toutefois la présente recherche.

Patients âgés surtout
Ces médicaments sont souvent administrés à des patients âgés qui, en plus de souffrir de problèmes aux muscles et aux articulations, ont également des soucis cardiovasculaires. Comme l’ont établi les travaux de l’équipe bernoise portant sur les données de 116 429 patients et englobant 31 études préexistantes, la prise de diclofénac et d’étoricoxib expose au risque le plus important. Sous certaines formes et dosages, le premier est cependant en vente libre et le second, vendu sous l’appellation Arcoxia, a été autorisé en Suisse l’an dernier.
Travaillant sur le sujet depuis 2006 déjà, les scientifiques bernois ont vu juste. En France, en plein scandale du Mediator qui a débouché sur 116 plaintes, l’Arcoxia vient d’être dénoncé par la revue indépendante «Prescrire». Le député socialiste Gérard Bapt, cardiologue de formation, s’est associé à cette dénonciation à cause des risques cardiovasculaires auxquels il expose les patients. Ce remède est malgré tout encore remboursé dans l’Hexagone, comme en Suisse d’ailleurs. La molécule de l’Arcoxia est proche d’un autre anti-inflammatoire à scandale, le Vioxx. Son fabricant Merck avait été contraint de le retirer en quatrième vitesse en 2004 pour les mêmes risques cardiovasculaires qu’il faisait courir aux patients. Tiens, tiens: la molécule du Vioxx était un AINS de la famille des «coxib», le rofécoxib… également épinglé par l’équipe du professeur Jüni.

Naproxène: c’est mieux, mais…
Parmi les molécules évaluées par les chercheurs de l’Institut de médecine de l’Université de Berne, le naproxène présente «le profil de risque le plus avantageux», mais les effets secondaires sur l’estomac sont considérables. Mal aux articulations ou à l’estomac, il faut donc choisir…
Et les autres anti-inflammatoires existant sur le marché? Les données fiables concernant la sécurité cardiovasculaire – notamment sur les AINS de nouvelle génération – sont hélas trop peu nombreuses ou inexistantes. Selon l’équipe de Peter Jüni, il serait erroné d’en conclure que les autres analgésiques sont sans effets secondaires. La retenue est donc de mise pour tous les médicaments de la classe des AINS.
PIERRE-ANDRÉ SIEBER

Ces anti-inflammatoires «sont tous dangereux»

Le médecin Peter Jüni fait partie de l’équipe qui a étudié durant cinq ans les effets de sept anti-inflammatoires. Les résultats sont publiés aujourd’hui dans le «British Medical Journal».

Parmi ces analgésiques, quel est selon vous le plus dangereux ? Le diclofénac ?
Peter Jüni : Non. Tous sont dangereux. Ils ont tous des effets non désirés, sauf le naproxène qui comporte moins de risques pour le coeur et le cerveau. Mais il provoque des effets secondaires considérables au niveau gastro-intestinal, ce qui réduit souvent le bénéfice thérapeutique. Son utilisation doit être combinée avec la prise d’un médicament protégeant l’estomac.

Ces molécules sont dangereuses. Mais alors, que prendre si une articulation nous fait souffrir ?
Si vous souffrez de manière chronique, vous pouvez prendre du paracétamol, qui n’a pas d’effets secondaires touchant le coeur. Ensuite, vous pouvez prendre des opioïdes (Tramadol) avec lesquels vous avez des effets semblables au Voltaren, mais qui peuvent provoquer des nausées. Il faut aussi recommander au patient de la physiothérapie, de l’activité physique et de perdre du poids. En cas d’arthrose sévère, il faut aussi consulter un orthopédiste pour évaluer la possibilité d’une intervention chirurgicale.

Si l’on souffre de troubles cardiaques, faut-il absolument éviter de consommer ces anti-inflammatoires ?
Oui. D’une manière générale, il faut prendre ces anti-inflammatoires durant un temps très court, et vous n’aurez pas de problèmes avec. Un jeune sportif bien entraîné qui souffre d’une blessure n’aura pas de soucis non plus s’il en prend durant une semaine. Mais pas plus. Pour ce dernier, le risque cardiovasculaire est très faible. Il en va autrement pour les patients à partir de 65ans. Ces derniers ont un risque doublé, voire quadruplé. Les personnes qui fument ou en surpoids peuvent également connaître des problèmes avant 65ans.

Avez-vous eu des problèmes avec les firmes pharmaceutiques ?
Non, ça a été au contraire agréable de travailler avec des firmes comme Novartis ou Pfizer. Elles n’ont pas entrepris de poursuites contre nous, alors que Novartis, par exemple, fabrique le Voltaren et Pfizer le célécoxib (Celebrex).

Mais si vous dites que ces médicaments sont dangereux, cela va faire peur aux patients. Ils risquent de ne plus en prendre, non ?
Je pense qu’il est important que les gens sachent que ces médicaments peuvent avoir des effets secondaires considérables sur leur coeur et leur cerveau. Et qu’il ne faut pas croire qu’on puisse les prendre comme cela «gratis», sans conséquences pour sa santé, durant une longue durée. Il faut de la retenue dans leur utilisation.

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-ANDRÉ SIEBER

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